Récoltes : pratique typique, N.F.
Définition ludique
On entend souvent que les Madelinots sont d’abord et avant tout des gens de mer, mais y’a quand même fallu user de créativité pour diversifier notre alimentation dans une région aussi éloignée. Avec le vent, on sait qu’ici, presque tout ce qui pousse en hauteur pousse en italique. Fallait à l’époque être armé de courage et de force de subsistance pour cultiver la terre madelinienne. Il reste encore des valeureux et des valeureuses, des travaillants et des travaillantes, qui année après année allient savoir-faire, apprentissages et résilience pour s’adapter au climat particulier des Îles et tirer des merveilles de la terre. À l’étonnement de certains, les récoltes sont assez abondantes pour approvisionner, chaque été, un marché public, des paniers hebdomadaires et les grands marchés d’alimentation de l’archipel.
Le temps des récoltes
On dit qu’à l’époque les récoltes étaient un travail de communauté. Tous donnaient un coup de main, surtout dans le temps des foins. Dans l’imaginaire, on associe encore les récoltes aux mois d’automne. On pense à l’abondance de légumes racines et à la préparation de bons repas pour l’hiver. Roberto Chevarie, copropriétaire de la ferme maraîchère Les Champs Marins, se souvient d’avoir toujours aidé ses parents à faire le jardin et à ramener les légumes à la maison. « C’est ma mère qui m’a montré l’agriculture. Elle, elle avait appris ça avec Marie-Rose, qui faisait les meilleurs jardins à la Pointe-aux-Loups! On savait que c’étaient les meilleurs juste à regarder la beauté des légumes et le temps qu’elle y mettait. Il n’y avait même pas de mauvaises herbes! Ses jardins n’étaient pas grands, mais ils étaient parfaits. Tout ce qu’elle mettait dedans poussait. », se souvient-il. C’est justement à la Pointe-aux-Loups que Roberto a fait son premier jardin. « Marie-Rose est venue voir mon jardin, et elle a dit : ”c’est le plus beau jardin que j’ai jamais vu en variétés.” Et qu’elle me dise ça, elle! Ça m’a fait un sacré velours! ».
Aujourd’hui, les jardins qu’il cultive avec sa conjointe et partenaire d’affaires, Anne-Sophie Devanne, à L’Étang-du-Nord, sont bien plus grands et contiennent une plus grande variété de légumes. Aux Champs Marins, les deux maraîchers sont confrontés à des calendriers de récoltes beaucoup plus rigoureux que celui d’un jardin à la maison. « Je pense que la récolte, c’est vraiment ce qui rythme notre quotidien, notre semaine. Elle structure le reste. », explique Anne-Sophie. « Les récoltes, c’est le résultat de notre travail, ce qu’on va manger. Mais après, c’est pas fini. Il y a le lavage, la mise en marché, la vente et la distribution. La récolte, c’est vraiment la transition entre le champ et la vente. », ajoute Roberto.
Avec les années, Anne-Sophie et Roberto ont dû adapter leur travail pour subvenir à la demande grandissante. Le défi, qu’ils relèvent haut la main, est de trouver l’équilibre entre minutie et rapidité durant les récoltes, tout en essayant de prolonger la saison. « On est poussés de plus en plus par la demande à ce que la récolte débute le plus tôt possible. », explique Anne-Sophie. Grâce à la diversification des semis, les maraîchers récoltent aujourd’hui leurs légumes biologiques du mois de juillet jusqu’au mois de novembre! « La diversité est toujours un questionnement interminable. Oui, ça complexifie la récolte, mais ça la garantit aussi! Chaque année, il y a un truc qui ne marche pas et c’est jamais le même. La diversité, moi je trouve qu’elle nous sauve. En tout cas, moi elle me sécurise. », dit-elle.
Dans sa mission de maraîchère, Anne-Sophie intègre aussi tout un pan de sensibilisation autour des légumes moches. « On essaie d’arrêter cette course à l’esthétique qui consiste à ne vendre que des légumes beaux et droits. Je trouve que ça fait partie de notre métier de faire avancer la cause des légumes moches, parce que ça n’a pas de sens en termes de gaspillage. On fait beaucoup de sensibilisation avec la clientèle, mais aussi avec nos employés au moment de la récolte. », souligne-t-elle.
Finalement, les Madelinots sont chanceux de pouvoir savourer des légumes récoltés un maximum de 36 heures avant de se trouver dans leur assiette durant tout l’été, et l’automne aussi. Qu’ils soient bien droits ou un peu croches, on réalise rapidement qu’ils ont tous le même bon goût de légumes de jardin, cultivés comme à la maison.
Activités calendaires
Recette
Quelle meilleure façon de profiter pleinement du temps des récoltes que de préparer une soupe pleines de légumes du jardin!
soupe maison
Ingrédients
- 1 morceau de boeuf (de préférence du jarret avec l’os)
- 1 c. tab. de beurre
- Eau
- 1 gros oignon
- Sel, poivre
- Persil, ciboulette
- 1/2 tasse d’orge
- 2 carottes coupées en rondelles
- 1 navet coupé en gros morceaux
- 1 bte de tomates en conserve ou supe aux tomates
- 4 à 5 pommes de terre pelées
- 2 à 3 maïs
Préparation
Dans un chaudron, faire fondre le beurre et y faire griller légèrement la viande.
- Ajouter de l’eau jusqu’au 2/3 de la casserole.
- Couper l’oignon en petits morceaux et y ajouter le sel, poivre, persil et ciboulette. Faire bouillir doucement.
- Ajouter l’orge, les carottes et le navet.
- Une demie heure avant la fin de la cuisson, ajouter les pommes de terre.
Le secret d’une bonne soupe est de faire cuire longtemps sur un feux doux environ 4 heures. Brasser de temps à autre pour éviter que les légumes collent au fond.
N.B.: On peut aussi faire cuire en même temps du maïs en épis. Lorsque les légumes sont cuits (navet, pomme de terre, maïs) les enlever et les garder au chaud. Ajouter la soupe aux tomates et laisser mijoter quelque minutes.
Recette issue de l’édition 1951-86 de l’ouvrage Cuisinons avec les fermières des Îles de la Madeleine.