Loup-marin : produit identitaire, N.M.
Définition ludique
Le loup-marin est un mammifère aux qualités nutritives malheureusement trop méconnues. Son huile est riche en oméga 3 et sa viande est élevée en fer. On s’étonne même qu’il ne rouille pas de lui-même dans l’eau salée! Son goût, lui, polarise les débats : t’aimes ou t’aimes pas. Le secret pour dévoiler tout le potentiel de la viande de loup-marin, c’est de la dégraisser convenablement et de la cuire à point. Elle saura alors se révéler aux palais des plus sceptiques! La cuisine moderne nous propose de le manger en tataki; les traditionalistes, eux, préfèrent se régaler de pot-au-feu de méniches ou de croxignoles, ces beignets frits dans l’huile de loup-marin. Certains le mijotent avec des canneberges et d’autres iront pour les produits transformés comme la saucisse ou la terrine. Le truc, si on ne sait pas comment s’y prendre pour le cuisiner, c’est de poser des questions aux spécialistes, puisque si on retrouve le mammifère en surabondance dans les eaux du Golfe, les recettes pour le cuisiner sont probablement la seule chose qui reste difficile à trouver sur Google!
On fait partie des rebelles
Les mois d’hiver sont arrivés et nous invitent chaleureusement à nous rassembler autour d’un verre pour raconter des histoires. Le travail ne permet pas aux bouchers de s’asseoir, mais l’arrivage de loup-marin de ce matin vient raviver la flamme d’un discours important, souvent répété. En soulevant délicatement la graisse de la viande, Réjean Vigneau, copropriétaire de la Boucherie spécialisée Côte à Côte, nous explique la place de l’animal dans le patrimoine madelinot : « Faut pas oublier que c’est ce qui a sauvé nos premiers colons. Le loup-marin, c’est la première viande fraîche locale, annuellement parlant. Pour nous, c’est une ressource première, aussi importante que le homard. »
Étant lui-même chasseur, Réjean est aux premières loges pour observer les perturbations de l’activité humaine sur la biodiversité marine autour des Îles. « C’est les humains qui ont tout scrappé la chaîne, on se le cachera pas. C’est à nous intelligemment de prendre la puck et d’essayer de régler ça, avec le moins de dommages collatéraux possible. », soutient-il, tout en se disant préoccupé par le nombre croissant de bêtes dans le Golfe du Saint-Laurent. « J’suis juste un chasseur qui vit des ressources naturelles. On ne veut pas tuer les loups-marins au complet, on veut juste les contrôler », explique-t-il. De plus, la chasse au loup-marin est très réglementée, gérée par des quotas stricts et se fait avec une méthode d’abattage précise, pour éviter tout débordement.
« C’est certain qu’on fait partie des rebelles. On est envers et contre tous. J’en suis très fier. On est un peu chialeux, on est tout le temps contre les autres, mais si on est rendus où ce qu’on est là, c’est bien parce qu’on a une tête de cochon. », poursuit-il avec le sourire. La tête dure de Réjean, de même que celles des membres de son équipe, leur a permis de développer un produit unique. Ces Madelinots sont les seuls au monde à s’être amusés à créer des recettes et des méthodes de transformation de la viande de loup-marin. Grâce à ces hommes, on peut aujourd’hui trouver à la Boucherie spécialisée Côte à Côte des découpes variées de viande, mais aussi un bel éventail de charcuteries, comme des rillettes et des saucisses de loup-marin.
Le développement de cette expertise a aussi permis à la communauté madelinienne de se réapproprier cette viande. « Ma consommation de loup-marin est arrivée assez tardivement. Ma grand-mère en faisait des fois. Ça se mangeait, mais… ça faisait pas partie des top 5, mettons. Si je servais à papa une épaule de loup-marin confite dans le gras de canard, par exemple, là, sûrement qu’il aimerait ça! », raconte Réjean, en précisant que le loup-marin bien dégraissé d’aujourd’hui a un goût très fin, tandis que celui mangé à l’époque avait un goût très prononcé.
Quoi qu’il en soit, nous souhaitons que les plus sceptiques reconnaissent l’importance du loup-marin dans notre assiette grâce au savoir-faire des chasseurs et des bouchers de l’archipel. Ces hommes passionnés et engagés nous prouvent que le loup-marin est un produit d’appel bien ancré au cœur des traditions uniques des Îles de la Madeleine.
Activités calendaires
Recette
Les derniers jours froids du mois de mars sont idéaux pour oublier un bon repas de loup-marin dans le four quelques heures avant le souper.
bifteck de loup-marin à la bière
Ingrédients
- 40 ml de farine
- 6 tranches de 175g. de loup-marin
- 25 ml d’huile
- 1,25 ml d’oignons émincés
- 750 ml de bouillon brun
- 75 ml de bière
- 5 ml de sel
- 3 ml de poivre
- 3 ml de moutarde sèche
- 10 ml de cassonade
Préparation
- Fariner les tranches de loup-main et les faire colorer à l’huile.
- Faire revenir les oignons émincés. Intercaler dans une casserole allant au four, un rang d’oignons, un rang de steak, etc.
- Ajouter le bouillon brun et la bière. Assaisonner de sel et de poivre. Ajouter la moutarde et la cassonade.
- Cuire au four à couvert pour 45 minutes.
Recette issue de l’édition 1951-86 de l’ouvrage Cuisinons avec les fermières des Îles de la Madeleine.